Quelques jours plus tard, voilà David Guiraud, David Dragons Célestes Guiraud, qui nous dit, dans un tweet du 11 juillet :

L’enquête demandée par la Ministre Belloubet sur le lycée Yabné ne conclut aucune discrimination sur les élèves, selon BFM. Une seule supposition aura suffi aux soutiens du génocide des palestiniens pour vomir leur diffamation. La honte… pour eux. »

Je vous rappelle cette affaire, si vous le voulez bien. Des élèves d’un lycée juif sous contrat trouvent leurs notes au grand oral du bac trop sévères par rapport à leur niveau habituel. Ils s’en ouvrent à la direction de l’établissement, qui s’en ouvre à l’Éducation nationale et leur conseille de ne pas ébruiter la chose avant le résultat de l’enquête. C’est raté, l’affaire s’ébruite et s’emballe. Enfin, « s’emballe » : est commentée sur Twitter et fait l’objet d’un entrefilet dans le monde. L’enquête, précise et diligente, écarte dès le lendemain l’hypothèse d’un ciblage antisémite. Parfait.

Sur cette base, je vais me permettre de rédiger le tweet que David Guiraud aurait dû écrire, en tant qu’élu de la République :

L’enquête demandée par la Ministre Belloubet sur le lycée Yabné ne conclue aucune discrimination sur les élèves. Quel soulagement ! Devant la recrudescence de l’antisémitisme, la vigilance est toujours de mise. Merci à tous les concernés. »

Mais non bien sûr, il n’est pas resté factuel, il n’a pas cherché à lever les doutes sur les accusations d’antisémitisme qui l’environnent, il a fait tout le contraire. Il a choisi de placer ses « soutiens du génocide palestinien » et ainsi de confondre, une fois de plus, juifs et « soutiens au génocide ». Avocat du diable : mais non, voyons ! Ce tweet de David Guiraud comporte la vidéo de Caroline Yadan interrogée sur Radio J. C’est à elle et à personne d’autre que ce « soutiens au génocide » s’adresse !

Procureur : curieux pluriel, non, « soutiens », s’il fallait s’adresser à cette seule personne ?

Avocat du diable : mais enfin, tu es paranoïaque ! À elle et à tous les gens comme elle ! Tous ces soutiens du génocide ! C’est quand même dingue qu’on ne puisse pas s’élever contre le génocide sans être taxé d’antisémitisme !

Procureur : convenons qu’il est possible, quoique faux, quoique indélicat, quoique excessif, quoique borgne et pour tout dire pas très malin, pas très responsable, de traiter madame Yadan de « soutien au génocide » sans être antisémite. Mais lancer comme ça en l’air un pluriel signifiant dont on laissera au lecteur la responsabilité de trouver le signifié, dans le contexte actuel, dans cette atmosphère d’antisémitisme délétère (« résiduel » nous corrigerait un autre responsable politique), quand on s’est permis de parler de « dragons célestes » quelques mois plus tôt et qu’on a admis avoir fait son éducation au conflit israélo-palestinien en écoutant Alain Soral ? Peut-on encore en douter ? Qui sont les « gens comme elle » ? Pourquoi ne sont-ils pas expressément nommés ? Qui désignent-ils, ces « soutiens », qui peuvent-ils désigner ? Qui David Guiraud laisse-t-il son expression désigner ?

Lecture à charge : tous ceux qui ont eu l’outrecuidance de s’inquiéter un tout petit peu d’une possible discrimination au sein de l’Éducation nationale. La nasse se referme. Désormais, s’inquiéter de discriminations possibles, se montrer vigilants face à l’antisémitisme, c’est déjà être soutien du génocide. (« Sioniste », pour reprendre le vocabulaire du billet précédent.) Première étape : laisser l’antisémitisme monter, entretenir la confusion entre juifs et « sioniste ». Deuxième étape, s’en défendre. Troisième étape, traiter ceux qui s’en inquiètent de « sionistes ». Retour à l’étape 1.

Lecture à décharge : des gens précis que Guiraud avait en tête mais qu’il n’a pas jugé bon de nommer expressément, parce que ça aurait été trop long tant ils sont nombreux, et tant pis si ça entretient la confusion, tant pis si la lecture à charge reste possible, après tout ce n’est pas bien grave, puisque tout ça c’est du flan, la montée de l’antisémitisme c’est du flan et d’ailleurs je ne le suis pas du tout, la preuve : Alain Soral ne dit pas que des conneries. La sécurité de mes concitoyens juifs c’est pas mon affaire et la polémique sur notre antisémitisme m’est plus utile qu’elle serait nuisible à quiconque.

Je vous laisse choisir.