Depuis la fantastique Zouleikha j’ai donc lu en alternance Jerusalem et Jérusalem. Le premier, celui de Simon Sebag Montefiore (l’auteur de la meilleure biographie de Staline, si le sujet vous botte), était parti avec moi dans ma caisse de livres, j’en avais lu le prologue d’un œil distrait, mais là je lui ai consacré peu ou prou les deux derniers jours pour lire tout ce qui concernait la période des débuts jusqu’à Jésus et un peu au-delà (les derniers Hérode, Titus, la chute du temple). Le prologue m’avait fait un peu peur, j’avais eu l’impression qu’il s’agissait plus de mise en scène de l’histoire que d’histoire proprement dite, et bien pas du tout : fichu bon livre, passionnant, sourcé, à jour, précis et pourtant haletant. Fantastique travail de synthèse historique (mes prefs). Il ne va pas rester sur ma table de nuit longtemps, celui-là.

Et avant cela j’avais donc mis la main, chez un bouquiniste (il faut croire que je n’avais pas assez de livres, finalement, la caisse comptait quatre livres de plus au retour), sur le fameux Jérusalem de Pierre Loti. Loti, pour ceux qui ne le connaissent pas, est un auteur à très très grand succès de la fin du XIXe, qui a beaucoup voyagé (il a été officier de marine et il y a pris goût). Son passage en Palestine date de 1895-1896, et c’est absolument fascinant. Pas un très bon livre, par ailleurs, mais fascinant quand même. Déjà, pour le rapport de ce garçon à la religion. Il s’avoue athée mais cherche le christ partout, c’est assez émouvant, il s’en ouvre sans naïveté. Seulement, il le cherche “parmi les morts” (à l’encontre du conseil des deux anges de Luc 24 qui disent aux apôtres “pourquoi chercher le Vivant parmi les morts ?”). C’est très fin de siècle, si je puis dire. Très nietzschéen à sa manière, ou anti, dans la mesure où il constate la mort de l’idée de dieu mais ne sait s’en détacher tout à fait, en tout cas pas de la personne du christ. Ensuite, la manière dont il décrit Jérsualem comme une ville presque oubliée, prête à tomber dans les abîmes de l’histoire, en pleine résonance avec son sentiment d’abandon de la foi et du sentiment religieux. Et certainement c’était le cas, en 1895, Jérusalem était en ruines et la Palestine n’intéressait plus personne. À le lire, on se dirait que, dix ou vingt ans plus tard, Jérusalem serait déserte, faute de croyants et de gens désireux d’habiter là. Que la foi allait déserter le monde. L’histoire nous réserve bien des surprises, quand même. (Le Montefiore va jusqu’à nos jours, ce sera intéressant de comparer.)