La Féminisation pour les Nuls
Salut les fragiles ! Suite à la recommandation de l’Académie, un petit fil #Féminisation pour vous. D’abord, le texte. Il est là.
Je ne suis pas expert de l’histoire de l’Institut, mais je sais tout de même que son rôle est de dire « le bon usage ». Attention, pas de le décider : de le dire. De le relever, dans la langue telle qu’on la parle comme dans les textes, et de le dire. Il n’y a pas de législateur de la langue. Il n’y a pas de loi du français. Vous faites comme vous voulez, en fait. Vous voulez continuer à dire Madame le Ministre ? Pas de problème. C’est vrai que c’est classe, dans certains contextes.
Vous m’avez vu corriger vos « événements » en « évènements » conformément à la réforme de 1990 ? Non, pas vrai ? Pas plus que vos « évènements », qui sont nombreux, figurez-vous. Je me contente d’harmoniser, au sein d’un même texte, parce que sinon c’est le bazar.
Cette réforme n’était pas le fait de l’Académie, qui s’était contentée de l’approuver. En 2016, elle a même considéré que cette réforme n’avait pas reçu « la sanction de l’usage ». Vous voyez : la vieille dame suit les usages, en réalité. « La maire de Lille » est rentrée dans l’usage, c’est comme ça. Libre à vous de l’ignorer. Vous êtes la juge de votre langue.
En revanche, l’Académie a tout de même un rôle normatif, bien circonscrit, auquel j’adhère tout à fait : c’est de dégager, parmi les usages, « ceux qui attestent d’une formation correcte et sont durablement établis ». Par exemple, le féminin -eure. Je ne suis pas fan, personnellement. La douleur, pas la douleure. La maigreur, la noirceur, etc. Mais le salut est à domicile : la demeure lui sauve la mise. Le féminin en -eure existe bel et bien. Alors pourquoi pas la professeure ?
L’argument clé, c’est l’euphonie : on ne l’entend pas. Alors, pourquoi s’en priver ? Il évite le -esse, péjoratif. En revanche, il rentre parfois en concurrence avec d’autres formes que je trouve plus légitimes : acteur, actrice, pas acteure. Auteur, autrice, pas auteure. Et là, je suis ravi de voir que l’Académie est de mon avis : « Autrice, dont la formation est plus satisfaisante,n’est pas complètement sorti de l’usage ».
Ça ne vous plaît pas ? C’est « moche » ? (Ce que vous dites d’ailleurs depuis toujours, c’est pourquoi vous jugez que Marilyn Monroe est l’acteur le plus sexy de tous les temps.) Pas de problème. Ne le dites pas. Je ne vous corrigerai pas. Vous êtes l’autrice de vos textes. Mais admettez que rien ici ne contrevient aux règles de la langue, « en particulier aux règles morphologiques qui président à la création des formes féminines », et demandez-vous pourquoi vous résistez ainsi.
Je ne crois pas que ce soit par misogynie C’est le plus souvent du snobisme. Du « je sais mieux », « je sais qu’on dit Madame le juge », et qu’on peut affirmer que « Duras est un auteur fondamental » parce que le masculin, en français, peut prendre le rôle du neutre.
Ce serait donc par amour de la langue, de ses règles, de ses petits particularismes qui font qu’on l’aime tant. Je vous comprends. Nos amours linguistiques ne sont jamais si belles que lorsqu’elles nous coûtent. Mais alors, mes petits cocos, vous avez intérêt à assurer derrière, et à montrer que vous ne situez pas cette exigence uniquement sur cette question de la féminisation des noms. Vous avez intérêt à ne plus jamais m’écrire « quelque soit » (surtout vous, professeures de maths, qui commettez cette faute des milliers de fois dans votre vie, alors que vous lisez sans cesse, ailleurs, la forme correcte), Fini les « Quoiqu’on dise », les « Mr Bidule ».
Et ne me pondez plus de phrases comme : « c’est en ce domaine que la résistance du corps social à toute tentative autoritaire de diriger les évolutions de la langue est la plus forte »… N’est-ce pas, l’Académie ? Parce qu’en bon français, on dit que c’est là que la résistance est LE plus forte, figurez-vous. À moins que l’Académie, espiègle comme à son habitude, ait décidé de féminiser aussi ça, en douce ?