Sérotonine
Sérotonine, donc.
Je crois que Houellebecq est fondamentalement un auteur incompris. La plupart le lisent à côté de la plaque.
Première chose : ce n’est pas un auteur à thèse (alors qu’on n’entend plus que ça). C’est un auteur comique.
Or, l’auteur comique a toujours été mal compris des Français, qui préfèrent souvent le pompeux sérieux. Je crois que le plus proche, et presque le seul d’ailleurs, qui pourrait se rapprocher de lui, ce serait Jarry. Il observe. Et il reproduit. L’effet comique vient de là. C’est pourquoi lui reprocher son écriture aride ou journalistique est absurde : c’est le but. Quand il décrit la stratégie d’implantation de Carrefour sur le secteur de la sandwicherie fine, il emploie bien évidemment des tournures comme “ce n’est pas pour faire de la figuration”, et allons-y qu’on “initie” des procédures, et qu’on perd des batailles mais pas la guerre. Son comparatif entre G20 et Carrefour City, au cours de laquelle il liste huit variété différentes de houmous, est d’ailleurs à hurler de rire. L’évidente volonté de s’exprimer dans le langage de l’époque (voir aussi, par exemple, la “cellule d’assistance psychologique” après le crash d’avion) est sa marque de fabrique, son clin d’œil général, maintenant connu de tous, du moins tous ceux qui le lisent et en rient.
L’auto-dérision en est bien sûr une autre, qu’on retrouve dans ce genre de phrases : “Je ne nourrissais aucune ambition particulière à l’égard de ma bite, il suffisait qu’on l’aime et je l’aimerais moi aussi, voilà où j’en étais, par rapport à ma bite”. Cela devrait achever de vous persuader (sinon, voir la dégustation de livarot près des plages du débarquement pour conquérir le marché américain) : Sérotonine est écrit pour qu’on le reconnaisse enfin comme un auteur comique, j’en suis presque persuadé. Il en avait pas marre qu’on le considère autrement.
(En revanche, il parle d’Ummagumma comme de “l’album à la vache”, alors que c’est bien sûr Atom Heart Mother, l’album à la vache. Micro détail certes, mais qui illustre ce que je crains depuis Soumission : qu’il soit devenu paresseux, après le dernier éclat de La Carte et le Territoire, qui a dû lui demander un sacré taf. Il n’a plus besoin d’en faire tant, maintenant, et il le sait très bien.)
(C’est aussi une erreur d’édition, soit dit en passant, que j’aurais corrigée, moi. Monsieur Houellebecq, si vous m’entendez… Je dois être dans vos tarifs.)