Imaginons un appareil dont nous ne connaissons rien, si ce n’est qu’il comporte un bouton et un cadran qui affiche, lorsqu’on appuie sur le bouton, soit 0, soit 1. Aucune raison apparente ne nous permet de déterminer le prochain numéro. Néanmoins, à force d’observation attentive, les deux paraissent équiprobables[1]. Le mécanisme est indémontable, nous ne pouvons pas l’ouvrir (ou pire : si on l'ouvre, il s’autodétruit). Sa nature est indécidable : est-ce mécanique, organique, minéral ? Impossible à dire. Le tout est délicieusement mystérieux si vous y mettez un peu du vôtre. Disons qu’il l’est suffisamment pour que certaines personnes s’y intéressent et émettent des hypothèses[2]. L’un dirait que c’est le hasard qui décide. Cette hypothèse ne paraît pas très convaincante à un autre : il doit bien y avoir un mécanisme qui explique précisément pourquoi un 0 c’est affiché cette fois-ci, et pas un 1 comme l’autre fois. Une autre encore, un vieux barbu plus matérialiste, expliquerait le tout par des petites variations quantiques comme Schrödinger et son matou par exemple. J’ose espérer que personne n’y verrait la main d’un dieu qui décidément n’aurait rien de mieux à faire que de décider d’une futilité pareille, mais j’aurais une tendresse particulière pour celui qui imaginera, caché dans le boîtier noir de la machine, un petit gnome jouant à pile ou face dès qu’on appuie sur le bouton et qui nous transmettrait son résultat, 0 pour pile, 1 pour face, via le cadran.

Notes

[1] En réalité cela n’a aucune importance. Mais vous allez voir, c’est plus intuitif comme ça.

[2] Si vous n’êtes pas d’accord, passez au chapitre suivant.