J’ai lu Baumgartner, de Paul Auster, et je l’ai trouvé splendide. Sans doute en partie parce que je savais tenir entre les mains ce qui serait probablement son dernier livre (il y en a peut-être encore dans les tiroirs, mais pas sûr). J’ai beaucoup lu Auster depuis le début de ma vie adulte et même un peu avant, c’est ainsi une page qui se referme aussi pour moi, et figurez-vous que ce livre, et c’est un peu magique, parle justement de pages qui se tournent, de la vieillesse et des dernières choses, et puis comme d’habitude de ces choix minuscules qui font basculer la vie. C’est beau, c’est touchant, c’est bref et c’est puissant. Je ne sais pas ce qu’il évoquera pour ceux qui le liront comme ça en passant. Sans doute est-ce un peu court. Sans doute pas grand-chose. C’est poignant, c’est vif, c’est plein de souffle, c’est du grand art ai-je envie de dire, mais sa lecture m’a tellement touché par une quantité de voies qui n’y sont pas du tout ou en tout cas qui n’y seront pas du tout pour tout le monde, qui en réalité sont des échos, des retours, des résonances, que sans doute y ai-je mis beaucoup trop. C’est un livre très simple, le livre très simple qu’un grand auteur a mis toute une vie à écrire, parce qu’il faut avoir beaucoup vécu et beaucoup écrit pour savoir raconter une histoire aussi simplement, pour ouvrir autant de voies avec si peu de mots. C’est terrible parce qu’il pourrait s’agir de son livre le plus lumineux et les circonstances le rendent complètement tragique, infiniment triste et presque douloureux. Pour le moment.

Quand je le relirai, peut-être qu’il ne restera plus que la lumière.

J’ai longtemps pensé que Auster était un écrivain des 90’s, qu’il n’écrivait plus depuis que la suite de son œuvre passée, les petites répercussions, les détails oubliés. Il y avait de la redite et plus tellement de souffle. De jolies choses parfois mais plus jamais d’élan. Et puis il y a eu 4, 3, 2, 1, et puis il y a eu ce Baumgartner, qui m’a tellement remué que j’ai enchaîné sur Pays de sang, pas du tout un roman mais quand même du Paul Auster et j’avais besoin de lire encore du Paul Auster. (C’est aussi très bien, mais c’est surtout un livre de photographie politique, déchirant, glacial.)