Dans mes lectures de vacances, outre Sur les falaises de marbre de Jünger que je n’ai pas lu pour la troisième année consécutive, Duras que j’ai retrouvée avec plaisir et intérêt dans le Vice-Consul malgré l’étrangeté et ce presque formalisme un peu inhabituel chez elle, Louatha qui m’a un peu déçu avec son 404 très en dessous des Sauvages, quelques bonnes idées toujours dans les thèmes qui lui sont chers mises à part, et Bataille qui m’a causé quelques fous rires en belle-famille avec son Histoire de l’œil aussi grossièrement provocateur, j’ai fait une très, très grosse découverte : Le Détour, de Luce d’Eramo, que je vous conseille aussi chaudement que possible. C’est d’une beauté farouche et d’une vérité crue, c’est de l’écriture sur soi comme on en fait trop peu, c’est un fragment d’histoire essentiel et un témoignage de première main, d’une honnêteté telle qu’elle se remet elle-même constamment en question et se demande quand, comment et pourquoi ses souvenirs lui reviennent, ses souvenirs de jeune fille de bonne famille fasciste de la République de Salo engagée volontaire dans un camp de travail en Allemagne en 44, puis déportée à Dachau dont elle parvient à s’enfuir, et je vous passe les mille détails passionnants. C’est d’une précision chirurgicale, d’une poésie désarmante de naturel et d’une lucidité, d’une limpidité de pensée si pures qu’on en ressort comme éclairé.

Je sais bien le danger qu’il y a à survendre ce qu’on aime, mais là, j’ai quand même franchement envie de crier au chef-d’œuvre, et au chef-d’œuvre parfaitement méconnu qui plus est. Je suis tombé dessus complètement par hasard lors d’une visite à l’abbaye de Sablonceaux, et je n’aurais pas pu tomber au mieux. Limite providence divine.

(Étant donné qu’il n’y avait absolument aucune raison que ce livre s’y trouve : la religion y est complètement absente.)