La claque de l’été aura été la lecture de Go Tell It on the Mountain de James Baldwin, que je rapporte ici pour le plaisir égoïste d’augmenter la pile de documentation de @Dithral (Benoît), du moins s’il n’a pas déjà dévoré toute son œuvre : c’est bien simple, on ne peut pas faire plus Harlem 1924.

Je connaissais déjà pas mal l’homme, sa vie et certains de ses essais, mais je n’avais encore jamais lu ce livre, d’abord traduit en 1957 sous le titre Les Élus du Seigneur, puis plus récemment sous celui de La Conversion. Mal réparé pour mon plus grand bonheur, car c’est un livre immense, au point qu’il est bien difficile de croire qu’il s’agit de son premier roman. Le seul véritable indice, et encore, par la bande, sont peut-être les éléments autobiographiques qui se mêlent au récit. Pour le reste, la construction est parfaite, le récit poignant, l’œil acéré. On (en tout cas pas moi) ne peut imaginer plus belle immersion dans le milieu des micro-églises évangéliques des Noirs américains de l’époque, ces tout petits temples qui ont poussé au beau milieu des magasins, des salons de coiffure et des épiceries de Harlem dans les années 1920, et même plus largement dans “l’expérience afro-américaine” de la première moitié du siècle, à mon avis. Il est moins rigoureusement sudiste que Invisible Man, son contemporain strict (les deux ont paru la même année), et moins intellectuel aussi, plus viscéral, plus touchant, et pour tout dire à mon avis plus littéraire justement parce qu’il s’intéresse davantage à l’expérience individuelle qu’à la destinée collective, même si, bien sûr, les deux s’entremêlent, inévitablement (Baldwin tenait d’ailleurs Ralph Ellison en très haute estime).

Bref, lisez-le, on en causera.

La traduction récente est excellente, en plus (malgré cet entêtement inexplicable à ne pas reprendre le cantique d’où est issu le titre VO). Et ce n’est pas chose facile, puisque le livre contient ce qui est à mon avis l’un des plus grands défis de toute traduction : un colloquial très présent (en l’occurrence, celui des Noirs américains des années 1920, bien sûr).

Je n’aurais bien sûr pas fait les mêmes choix, en particulier le “i” à la place de “il”, qui donne “qui” à la place de “qu’il” et brouille par le fait certaines structures grammaticales, mais d’avoir ainsi inventé toute une syntaxe plutôt que de puiser dans un bête argot qui n’avait aucune chance de convenir était incontestablement le bon.