Donj' — Le PHB 2024
Edito
Je vais commencer par là, parce que c’est à mon avis un des grands axes de travail (faute de devoir réinventer la CA), vu qu’ils comptaient rester compatibles (plus sur ce sujet dans un paragraphe suivant), et parce que c’est la première chose qu’on voit, dès qu’on ouvre le livre, aussi bien que la dernière qu’on remarque, après usage.
Les illus sont très chouettes, les artistes ont très bien travaillé. Il y a une énorme variété de mises en scène, de silhouettes et d’attitudes. Un bon paquet de poses martiales évidemment, mais vraiment pas que, plein de vie quotidienne, plein de situations. Je mets cela dit un bémol sur la DA, que je trouve trop sage. Les styles sont moins osés (même que dans le PHB 2014 qu’était pas punk non plus, hein), c’est même plutôt uniformes (fantasy photo-réaliste colorée), les intégrations moins fluides, les doubles pages moins marquantes.
Mais côté édito pur, en revanche ; organisation et clarté du texte, dégrossissage, facilité de navigation, c’est un perfect. Leur plus beau bébé, de très loin. On navigue là-dedans avec une facilité déconcertante, alors même qu’ils n’ont pas eu recours aux tricks habituels, et pas toujours efficaces, type onglets, fonds perdu, signets, titres courants d’un kilomètre et autre. On trouve toujours ce qu’on cherche en un quart de seconde. Pourquoi ? Comment ?
Règles
Déjà parce que le glossaire. Oui, bon, un glossaire, on connaît, ça sert à retrouver vite un petit condensé de l’info quand on a oublié ce que c’était que la CA ou la condition Bloodied (qui est de retour, oui oui).
Eh bah, ici, non. C’est un glossaire d’un autre genre, que je ne me rappelle pas avoir déjà vu ailleurs. Ici, le glossaire constitue un morceau de règles impossible à ôter (elles seraient alors incomplètes). Ce n’est pas un bonus pour nous faciliter la vie. C’est une partie indispensable du tout. Si vous voulez, c’est exactement ce qu’ils avaient fait en 2014 pour les États préjudiciables, qui n’apparaissaient pas dans le corps du texte mais seulement dans l’appendice de fin. Sauf que là, c’est pour quasiment tout. Les actions (hide, influence, etc.), les définitions (CA, HP, etc.), les points un peu techniques (concentration), les morceaux de règles relous chiants à caser (jump, carrying capacity), bref : presque tout. Et ils ne sont pas ailleurs (sauf quand complètement indispensables à la lecture et à la compréhension, mais le cas est plutôt rare, ai-je moi même été surpris de remarquer). Ils ne sont que là, dans le glossaire, à la fin.
Ça a l’air curieux dit comme ça, mais à l’usage, j’en suis le premier surpris : ça marche à fond.
Ça permet d’avoir une partie “règles” ultra condensée (25 pages), hyper claire, qui s’en tient aux très grands concepts à maîtriser, et à ne pas se préoccuper des détails à ce stade. Et quand on a besoin d’un détail, on sait où on va le trouver tout de suite. Dans le glossaire, par ordre alpha et pas en version abrégée : en version complète. Ça marche très, très bien, en fait. Je vous prédis qu’ils vont faire des émules avec ce modèle.
Ajoutez à ça une organisation simplissime : règles, classes, origines, équipement, sorts, glossaire, et boum : on trouve tout, tout de suite.
Sinon, côté règles, vous avez déjà aperçu les petits changements effectués ailleurs, j’imagine ? Il n’y en a pas mille. Sur le coeur, rien. Dans le détail : les nouvelles actions (influence, search, study), l’action hide, le combat à deux armes, la règle des deux sorts dans un seul tour, la fatigue, la généralisation des seuils fixes (15, à 90 %), la surprise, le grapple et c’est à peu près tout. On détaillera ça plus plus tard si ça vous dit, mais ce n’est rien de révolutionnaire. Tout le monde retrouvera ses petits, tout le monde pourra choisir ces nouvelles moutures ou conserver les anciennes, voire faire son marché et tout mélanger sans le moindre problème.
Les persos
C’est donc là qu’a porté l’autre effort : 12 classes, 4 sous-classes pour chaque. Pareil, je ne vais pas faire le détail ici. Il y en a beaucoup que j’ai bien aimé à la lecture ; certaines que j’ai déjà testées (le nouveau beast master, le psi warrior), d’autres que j’ai découvertes avec plaisir (le Path of the World Tree Barbarian, qui était dans l’UA mais que je n’avais que survolé, le druide du cercle des étoiles, les nouveaux Monks dont un ninja qu’a pas l’air piqué des vers, les nouveaux Sorcerers qui ont l’air vraiment très chouettes, même le ridicule Clockwork fait maintenant très envie), d’autres qui ne m’ont toujours pas convaincues (l’assassin, par exemple, ou encor le druide de l’océan avec son nuage qui le suit partout). Mais on fera le détail plus tard, point par point, ptêt ? Ou au fur et à mesure qu’on les teste. Enfin, bref : pas tout d’un coup.
Je vais plutôt me concentrer sur un truc dont on a beaucoup parlé avant, à savoir l’omniprésence des dons. J’étais pas chaud au départ. Je le suis un peu plus à la lecture, pour deux raisons : d’une parce qu’il n’apporte pas de complexité supplémentaire à la création, contrairement à ce que j’attendais. Deux, parce que ce n’est pas franchement une augmentation du power level, si on regarde bien.
Côté création, voilà comment ça se passe maintenant : on choisit sa classe comme d’hab, puis ses origines. Les origines, c’est : espèce + background. Dans l’espèce, il n’y a plus de bonus de carac, il n’y a que les éléments complètement innés habituels (vision dans le noir, ailes dans le dos, cantrips, ce genre de trucs). Mécaniquement, elle ne fait plus grand chose. En revanche, le background devient le coeur du réacteur, puisqu’il rassemble : l’historique, les maîtrises (compétences et outils), les bonus de carac et le don de départ. Autrement dit, côté joueurs, background et don de départ, c’est le même choix. Je vous prédis même que ça va aller plus vite qu’avant pour les petits nouveaux venus (la création est mieux organisée, cf. § 1).
Deuxièmement, par rapport à ma crainte initiale quant au power level, ça veut aussi dire qu’on ne peut pas min/maxer son don de départ à moins de renoncer à min/maxer ses caracs. C’est un lot. Alors bien sûr qu’on peut prendre le background de Soldat pour pouvoir augmenter Force, Dex ou Con, et bénéficier de Savage Attacker. Mais on ne pourra pas aller chercher Lucky, ou Magic Initiate. Pour ça, il faut choisir un historique qui convienne (et donc très probablement des bonus de carac qui conviennent moins). Par ailleurs, point de détail important : il est bien évidemment trivial de se fabriquer un background, la recette est simple et robuste, mais le PHB ne propose pas de le faire. C’est donc une prérogative du MJ (ils proposeront d’ailleurs sûrement ces custom backgrounds dans le DMG si vous voulez mon avis, de même que les nouveaux backgrounds deviendront des éléments centraux dans les pitchs de vente des suppléments, on ne perd pas le nord chez WotC).
Enfin, côté power level toujours, y a un gros changement : les gros dons standard de 2014 sont nerfés (Sharpshooter, Great Weapon Master, Lucky), et ils ont érigé un nouveau mur pour y accéder : la plupart ne sont pas dispos avant le niveau 4. Au départ, ce qu’on choisit avec le background (ou en choisissant un humain), c’est un don “d’origine”. Pas un don “général”. Et des dons d’origine, il n’y en a pas mille (mais dix), ils sont tous plutôt sympas mais aucun n’est game breaking, je peux le garantir. Même Lucky n’est plus du tout ce qu’il était. Bref, il n’y en a pas un qui soit au niveau d’un Sharp Shooter ou d’un Lucky 2014 (et de loin).
Donc, conclusion : si on jouait complètement sans don, c’est toujours un don de plus, même si un don pas ouf, c’est sûr. C’est donc un petit cran au-dessus. Mais si on jouait déjà avec les dons, même seulement au niveau 4, eh bien, les persos seront plutôt moins puissants qu’avant, ne serait-ce qu’à cause du Variant Human 2014, sous ce rapport (mais ce n’est pas le seul rapport, évidemment ; dans l’ensemble, les martiaux sont probablement plus balèzes qu’avant, surtout le moine et le guerrier — mais le paladin, le wizard et surtout tous les multiclassés le sont moins).
L’équipement
C’est ma plus grosse surprise : la section Équipement est complètement revue. Chaque petit bidule a droit à un petit exemple d’utilisation en jeu, traduit en mécaniques. Par exemple, la fiole de parfum, qui était déjà dans le PHB 2014 et qui nous disait “1 PA, permet de sentir bon” (je résume) va maintenant nous dire : “1PA, avantage au jet de persuasion contre un PNJ indifférent à proximité”. Personnellement je trouve ça très chouette, super pour la prise en main, bien plus inspirant qu’une liste avec des prix, et surtout bien plus guidant quant à l’utilisation qu’on fera du système appliqué aux situations concrètes. Mais j’ai eu des discussions à ce sujet avec d’autres joueurs, qui sont beaucoup moins emballés. Alors allez y jeter un œil pour vous faire votre avis, ce sera plus simple comme ça. Mais ne passez pas à côté, c’est vraiment surprenant.
Bien sûr, l’autre grosse nouveauté de l’équipement, ce sont les armes et leur masteries, mais on en a déjà beaucoup parlé. Je n’ai pas encore testé. Sur le papier, moi c’est de la complexité en plus, que j’avais pas demandé du tout. Mais les gens ont l’air content. Et ça ouvre de jolies possibilités aux guerriers, faut bien dire. Elles ne sont pas généralisées, par ailleurs : seules certaines classes y ont accès.
Le monde
Y en a pas. Au suivant.
Bon, je développe quand même : il y a dans cette version un parti pris très fort de ce côté. Le monde qu’il présente, c’est le multivers. Donc aucun monde en particulier. Ce ne sera pas du tout le cas dans le DMG, ils l’ont déjà dit ; il va se concentrer sur Greyhawk et même proposer des scénars. Mais dans le PHB, absolument ketchi. Il y a bien les alignements, l’appendice habituel sur les plans, et bien sûr des paladins, des clercs et des warlocks et donc en théorie des divinités et des entités supérieures, mais on ne sait pas lesquelles, elles sont décrites en termes généraux, jamais par un nom propre ou alors comme simple exemple vite fait, et on va mélanger gaiement Ravenloft, les Royaumes oubliés et Dragonlance, sans vergogne. Bref : il y a tout le multivers, pas un monde en particulier. D’ailleurs, on sait que si on lance Wish pour souhaiter la modification du multivers ou même juste de Sigil, notre dame des douleurs se pointe et nous lance un regard noir avant d’annuler le sort.
Tout le multivers, c’est trop pour faire un monde en creux, évidemment. Ce n’est donc pas un PHB dans lequel on trouvera un monde en creux. C’est complètement, obstinément, délibérément un PHB boîte à outils, une console vendu presque sans jeu (y en a bien un de caché mais faut savoir bidouiller soi-même). Selon moi, c’est l’aboutissement de l’orientation 2014 : un PHB à la vanille et des extensions deux-en-un qui te donnent campagne + monde. Pour ceux qui ont déjà ces extensions (en version 2014), c’est plutôt pas mal, ils n’auront rien à acheter de plus pour que ce PHB 24 fonctionne au top de ses possibilités. Pour les autres, c’est probablement un peu juste, me dis-je. Mais bien sûr, des extensions viendront, à commencer par le DMG.
En conclusion
Eh bien, j’ai envie de dire qu’il n’y a rien de révolutionnaire, comme on s’y attendait. Ce n’est pas un nouveau monde qui s’ouvre à nous, tout au contraire. Et que, étonnamment, plutôt qu’un nouveau départ, ça constitue en fait une excellente addition à notre collec 2014, pour les accros dans mon genre : un nouveau PHB avec des règles à l’os, clean, organisées aux petits oignons, éprouvées bien sûr, et puis évidemment de nouvelles classes/sous-classes si on s’était lassé des autres ou si on en avait marre de pester sur ce open hands monk quand même pas au top ou sur ce beast master complètement loupé. Si on avait déjà Xanathar et Tasha, l’intérêt baisse d’un gros cran, parce que l’éventail des possibles côté perso était déjà très vaste, qu’on avait les classes psioniques, etc. Mais tout le monde ne les avait pas. Et puis y a la galère de farfouiller entre trois livres. Enfin, si on débarque, qu’on ne connaît rien, c’est pas vraiment une porte d’entrée tout-en-un. Comme ça, brut, ça manquera cruellement de billes, un peu comme une boîte de Lego dix mille pièces sans mode d’emploi. Mais comme élément d’un triptyque, ou avec une petit BI à côté, ça va le faire, je dirais. C’est solide, c’est maniable, c’est varié, c’est bien.
Mais est-ce que c’est compatible ?
Oui. Je ne vois plus aucune raison de répondre autrement à cette question et je ne vais certainement pas rejouer le sketch de l’interopérabilité, mais je vais quand même jouer un peu l’avocat du baatezu : Si vous avez à votre table un guerrier 2014, et que vous ajoutez sans rien changer à celui-ci un guerrier 2024, bon, le premier fera peut-être un peu la gueule parce qu’il n’a pas ces intrigantes weapon masteries. Alors donnez-les-lui à ce gros jaloux, et le problème sera réglé. Voilà, c’est tout. Pas d’autres objections, ma Dame.