Tribunal — Session 1
Tout a commencé par une poignée de main, échangée entre Jeanne et le sénéchal de Neuvaine, par laquelle elle acceptait de déterminer ce qui se tramait à Hautenaut, petit village minier qui ne donnait plus de nouvelles malgré l’envoi d’une patrouille, bien évidemment jamais revenue. Sur place, des cadavres, frais et moins frais. Le village était livré aux chiens. Une première rencontre avec ces molosses agressifs faillit bien coûter la vie de Jeanne, mais le pavois d’Edouain et l’arc d’Ivellios ne les laissèrent pas faire. Peu à peu, ils progressèrent dans le village, constatant partout les mêmes scènes macabres, pour glaner çà et là quelques précisions : les chiens n’étaient pas que ceux du village, certains venaient d’ailleurs, et probablement de loin. Ils paraissaient soumis à une maladie étrange, peut-être pire que la rage, qui les rendaient avides de chair. Seuls les chiens étaient touchés : les autres bêtes avaient fini dévorées par la meute, et seul un petit chat avait survécu, malingre, dissimulé dans un grenier.
La nuit tombait, les chiens s’entendaient partout. Il fallut penser à protéger Rossi et les chevaux, puis à trouver un abri. Au petit matin, Jeanne pria le père, la mère et l’esprit pour qu’ils lui donnent la force de rendre la justice, et le Tribunal voulut bien lui indiquer la route. La folie des chiens trouvait son origine dans la mine. Ses compagnons la suivirent et s’enfoncèrent dans les tunnels au péril de la vie.
Et péril il y eut bien : dangereuses moisissures, mineurs morts et possédés, puis, au fond, tout au fond, un molosse à deux têtes, qu’ils crurent pouvoir surprendre en plein sommeil. Ivellios banda son arc et toucha, mais le monstre était solide et se rua sur lui. Jeanne fit parler la foudre du Père, Édouain jaillit à la rescousse, mais aucun ne put empêcher ce qui suivit : Ivellios déchiqueté par les mâchoires du chien. Quand Édouain enfin sut attirer la bête à lui, il était presque trop tard. Jeanne courut pour sauver son ami, mais ses mains tremblaient trop et elle sentit son âme rejoindre la Mère. Ivre de justice, elle se jeta sur le chien bicéphale, qu’Édouain avait placé en position délicate. Sa lame trouva la gorge en un éclair. Couverte de son sang, elle s’agenouilla face à la dépouille d’Ivellios. Il n’était plus de ce monde. De sous sa chemise de maille, elle tira son médaillon. Celui qu’il aimait tant, qu’il avait même voulu lui acheter contre une poignée de pièces. Elle le passa au cou de son ami défunt et ferma ses paupières.