L’âge ne m’apprend sans doute pas grand-chose, mais je crois avoir trouvé, au large, une perle de sagesse, peut-être la seule, la seule de cette valeur en tout cas. J’ai su faire la paix avec toutes ces autres vies que j’aurais pu avoir. Certaines sont magnifiques, fantastiques, meilleures que la mienne, qui sait ? Plus excitantes ou plus aventureuses. Plus sereines ou mieux remplies. Moins oisives, plus créatives, moins paresseuse, plus accomplies. J’en ai connu beaucoup dans ma folle jeunesse. En compagnie de tel ou telle. Des vies de musicien, des vies d’écrivain, des vies d’aventure, de passion, de voyage, de savoir, de rencontres. J’en croise encore de temps en temps.

Mais elles ne m’intéressent plus de la même façon qu’avant. Je les regarde avec tendresse, ces anciennes vies perdues, ces vies manquées, et ces nouvelles venues qui jamais n’adviendront. Je les aime parfois beaucoup, mais voilà : elles ne sont pas la mienne, je ne désire plus qu’elles le soient et c’est ainsi qu’elles sont belles : hors de moi. Pas la mienne. C’est ainsi que je parviens à les aimer, plutôt que les jalouser, les détester, les attirer à moi vainement. C’est ainsi qu’elles ne sont plus jamais douloureuses. Elles ne sont pas la mienne et c’est très bien comme ça.

La mienne je l’aime. Les autres brillent pour d’autres ou juste dans ma tête et c’est très bien comme ça.

La mienne je l’aime et tous ceux qui la composent. Tout ceux qui font qu’elle est comme ça.