J’ai cru brièvement, au cours d’une lecture tant technique que professionnelle, être synesthète. Pensant aux chiffres, je les dispose selon une ligne horizontale allant de gauche à droite, toujours la même, distendue au début, dense vers les mille et fractale ensuite, reproduisant en ses parties l’organisation du tout. Les dates, elles, sont organisées verticalement quand elles me concernent, pour la période 1970-2010 donc, horizontalement sinon. Les heures sont en cercle (on a connu plus surprenant).

Puis le narrateur de ce livre, passionnant par ailleurs, a douché mes espoirs : c’est le cas de tout le monde, semblerait-il (peut-être pas pour cette curieuse rotation de l’axe autour de ma naissance, que je chérirai donc désormais comme un trophée en l’honneur de ma singularité). J’aurais bien aimé être synesthète, comme Nabokov, comme Liszt, comme Baudelaire défoncé ou comme Rimbaud (dont un jour je dirai les naissances latentes), comme Feynman. Il semblerait que je ne sois rien.

Durant la même lecture, j’ai appris que l’hémisphère gauche est chargé de maintenir la cohésion du moi, au prix de grandes illusions qu’il impose à l’esprit[1]. L’hémisphère droit, lui toujours bon père de famille, rationnel et chiant, modère les ardeurs de son compère et le ramnène à la réalité observée. Mon hémisphère droit est probablement sur-développé. Reste au gauche à prouver qu’il n’est pas étouffé par ce père encombrant.

Note

[1] Vous ai-je déjà parlé de ma conception de l’Amour ?