Bref détour ce matin par le quartier juif afin de présenter mes hommages, puis visite du musée historique et de la synagogue portugaise, la plus vieille du monde. Au musée nous revîmes notre cher Docteur Ephraïm Bueno, qui était donc une figure locale, ainsi que, à ma grande surprise, Sabbataï Tsevi, le messie du siècle d’or, dont j’ignorais qu’il eût une quelconque influence en Hollande. Eh bien si, et une grande ! La pièce de choix était la lettre de remerciement à Tsevi, écrite par toute la communauté de la vieille synagogue, et qui ne fut jamais envoyée : on reçut entre temps l’embarrassante nouvelle de sa capture par le sultan et de sa conversion subséquente à l’Islam, ce qui la foutait mal, pour un messie du judaïsme. Il y avait aussi une première édition (1670) du Tractatus theologico-philosophicus, un très beau Zohar de 1701 et le Talmud de Babylone commenté par Rachi, tout en rouge et or, certainement parmi les plus beaux livres du monde. En revanche, question accessoire, je persiste à penser que l’artisanat juif ne vaut pas grand-chose. L’intérieur de la synagogue est ainsi rigoureusement quelconque. Les mêmes lustres en laiton (qui ont fait tant de mal à travers la Hollande) s’y balancent depuis la belle voûte, un beau triple berceau, en bois toujours. Elle est construite comme il se doit selon les plans du temple de Salomon, avec sa base carrée et ses contreforts en patte de lion. Là encore, je ne suis pas sûr que l’architecture juive est beaucoup gagnée en restant attachée à des notions d’architecture pré-hellénistiques. Le néo-babylonien ne fait pas fureur dans mon cœur. Mais à l’intérieur cette odeur de vieux grenier, de bois rongé par les âges, permet à elle seule de se rassasier l’âme.

Il y avait également, dans la partie moderne du musée, une très belle toile d’un certain Jules Chapon, un portrait de son rabbin de père peint après sa mort comme il est évident au premier regard : happé par la lumière, d’une simplicité enfantine, son visage rond et blanc entouré d’une belle barbe noire affiche la sainte sérénité d’un bouddha. Une étrange exposition temporaire au sous-sol m’a également permis de découvrir William Kentring, artiste sud-africain a la palette monochrome (noire, sans surprise). D’amples spirales aux proportions dorées relient les morts sur des reproductions de registres allemands qui les recensent. Parfois elles figurent aussi une sinistre machinerie, que l’artiste a d’ailleurs mise en action dans sa Chambre noire, sorte de théâtre de marionnettes animé, poétique et sinistre (Joseph a bien aimé : il y a un rhinocéros).

Entre temps, une information de première importance nous est parvenue : personne n’a jamais retrouvée la tombe de Rembrandt à Westerkerk. Je répète : la tombe de Rembrandt a disparu !