Est-ce que Jonathan Dante, père de Bruno Dante, dans Rien dans les poches[1], est l’alter ego de John Fante, père de Dan Fante dans la Vraie Vie™ ? On s’y croirait, en tout cas. Diabétique pareil, amputé itou, aveugle également. Mais alors, pourquoi ne pas dire franchement qu’il parle de son père ? (Et de lui, aussi bien.) Parce qu’il n’a rien de beau à dire. Parce qu’il préfère le vrai au beau[2], et que le vrai est à la limite du supportable (et certainement bien au-delà pour ceux qui l’ont connu). Il lui fallait le rempart de la fiction pour aborder le sujet de son père, et de sa propre déchéance.

La vérité passe par la fiction. Lacan : « Je dis toujours la vérité : pas toute, parce que toute la dire, on n’y arrive pas… Les mots y manquent… C’est même par cet impossible que la vérité tient au réel ». Ou encore : « Il n’y a pas de vérité qu’on puisse dire toute ». Ou est-ce une question de force ? D’endurance à la vérité ? Non, pas même, je ne crois pas. C’est une question de civilisation. Être civilisé, être innocent, c’est préserver les autres de la vérité, de toute la vérité, au moyen de vérités autres.

Notes

[1] Éditions 13e note, 2011, trad. Léon Mercadet. Très bel objet, au passage. Petit format carré, belle carte de couverture, beau papier. Voir ici.

[2] In your face, Platon.