Merveille de la modernité galopante, Twitter en est aussi, et logiquement, le reflet parfait. Pour vous en persuader, regardez-voir les fameux “TT”, les “trending topics”, sujets à la mode[1], traduits en “tendances” en VF. Sans surprise, il s’agit la plupart du temps de futilités : jusque-là, rien de neuf. Mais cela devient intéressant lorsqu’on clique sur l’un d’eux, disons le hashtag #coincoin, pour les besoins de la démonstration. Eh bien, vous constaterez, chose surprenante, que la plupart des messages envoyés avec ce hashtag ne concerne ni de près ni de loin le cri du canard (qui cancane, comme chacun sait, quand la poule glousse[2] et l’oie cacarde), ni même un sujet connexe, une blague ou un mauvais jeu de mot[3] vaguement en rapport, mais le fait même que #coincoin soit dans les TT. Autrement dit, le hashtag l’a emporté sur son sujet.

J’hallucine, #coincoin dans les TT ! Les gens sont vraiment cons !

Conclusion fracassante : ce dont il convient de parler, ce n’est même plus ce dont les autres parlent, mais du fait qu’ils le font. Ainsi, vous noterez que dans mon exemple le hashtag est une variable libre : on pourrait le remplacer par n’importe quoi d’autre[4] sans altérer un atome de sens de la phrase originale, aussi peu qu’elle en ait.

J’hallucine, #élections dans les TT ! Les gens sont vraiment cons !

Bien sûr, tout cela est délicieusement circulaire, autoréférentiel en diable, puisque nous pourrions imaginer sans mal aucun que jamais personne n’ait parlé d’autre chose que de cela, du fait qu’on en parlait, ce qui nous garantit que, dans ce futur qui s’écroule, nous rigolerons, au moins.

Notes

[1] Vous me direz, prendre l’exemple d’un truc à la mode et lui trouver toutes les caractéristiques propres du truc à la mode ne surprendra personne, sauf peut-être moi, toujours prêt à m’émerveiller d’un rien.

[2] Il lui arrive également de caqueter, mais c’est plus rare.

[3] C’est exactement ce que je voulais dire.

[4] Ce que #LesGens ne se privent pas de faire.