Je dois avoir battu une sorte de record dans l’ésotérisme en titre avec mon dernier billet, qui dériva si bien au fil de son écriture que toute allusion à la manche d’Isaac en a été oubliée. C’est que je ne comptais parler de Saskia que dans les notes, mais alors il m’aurait fallu des notes dans la note, ce qui est impossible sous Dotclear (qui propulse ce blog), si bien qu’elle a finalement pris la place d’honneur et chassé la Fiancée juive (ce qui est de bonne guerre, la voici qui se venge des maîtresses de son maître) : or c’est dans ce tableau que cette fameuse manche apparaît, épaisse, taillée en relief dans la pâte, reflétant la lumière par le jeu des multiples faces de son volume. Je pensais Rembrandt certes maître de la lumière[1], mais de la lumière “chromatique”, du contraste entre les tons, pas de ce jeu “spatial”, de cette dimension supplémentaire que je prenais jusqu’alors pour propriété indivise de la modernité. Bluffé, le gars. Presque autant (moins ? plus ?) que par la Rue de Delft (et non la Vue, qui est à La Haye) de Vermeer, que j’élis sur le champ plus beau mur de briques du monde (qui pourtant n’en manque pas).

Bien loin de ce niveau, mais beau tout de même, émouvant disons, par sa sévérité très passée, nous avons aperçu aujourd’hui la façade classique et rectiligne, en briques, donc, de la Nieuwe Kerk de Haarlem[2]. Un plan carré très pur, très idéal, très “protestant”. Malheureusement pour mon salut, à cette austère vertu je préfère les vices de l’église romaine et catholique, du moins les traces qu’ils nous ont laissées. À ce titre, Saint-Bavon, toujours à Haarlem, mérite une digne mention ne serait-ce que pour sa voûte, gothique flamboyante, icosapartite (je vous crée l’adjectif pour l’occasion, mais je vous assure, j’ai bien compté : vingt facettes chacune), lambrissée d’un beau bois vieilli et dûment daté : 1530, messieurs-dames. Nous ne sommes donc pas passés loin : cinquante années de plus et les réformés nous en privaient ! (Ils se saisirent de l’église en 1578.)

Avant cela, nous tâtâmes, d’un orteil mou et indécis, l’eau de la mer du Nord à la plage de Zandvoort, station balnéaire sans intérêt aucun.

Ne reste plus qu’un cran à remonter pour raccrocher les wagons de mon récit palpitant : nous étions hier à Rotterdam, en visite chez des amis locaux qui nous emmenèrent pique-niquer au Het Park. S’y déroulait alors le festival de musique romantique, ce qui nous a valu de très beaux moments non pas musicaux (il n’y a pas à proprement parler de “concert”, tout juste des musiciens disséminés dans le parc qui tentent de se faire entendre par une foule dissipée et très dense), mais esthétiques et costumiers : beaucoup de Rotterdamiens y paraissent en grand costume dix-neuvième siècle. Un grand moment, fort bien conclu le soir par un barbecue avec vue sur le port, sous une très belle lumière rasante et un ciel passant de l’azur à l’indigo dans lesquels se baignaient les cargos de passage rouges comme la rouille, ou la brique, c’est selon. Dans ces moments-là je regrette que ce blog n’admette pas les photos. Mais le patron ne veut rien entendre, que voulez-vous…

Notes

[1] Et non pas maître de l’univers, titre dévolu à Musclor.

[2] Nieuwe, comme souvent les églises réformées (ce qui explique qu’on s’y amuse moins). Pour un peu, nous déplorerions que les protestants aient décidé, pour construire cette Nieuwe, toute digne qu’elle soit, de détruire l‘Oude qui se tenait à sa place (Sint Annakapel était son petit nom), dont le clocher lanterne promettait bien de belles choses… (Là, par exemple, une note de la note est quasiment obligatoire afin de faire passer ce message de service à qui décida de prendre cette photo et de la mettre en ligne sur wiki : ton cadrage n’est pas droit, ton ciel est tout blanc et tu n’avais qu’à faire un pas de plus pour chasser ce sinistre échaffaudage du cadre. Fais un effort, merde.)