Le lendemain fut tout entier consacré à la vallée des temples, encore elle, à commencer par le temple des Dioscures, un angle mal remonté, puis le sanctuaire des divinités chtoniennes, ras et difficile à lire malgré son nom très prometteur, enfin, et surtout, surtout le temple de Zeus Olympien, dont l’ampleur des ruines parvient, par le truchement de cette merveille d’organe qui a eu le bon goût de se placer entre nos deux oreilles, à nous écraser de sa grandeur et resplendir encore quand plus une seule de ses pierres monumentales n’est dressée : les majestueux télamons sont tombés au sol depuis le matin des temps.

Quatre de ces atlantes affichent leurs beaux visages sereins au musée archéologique, et l’un d’eux y est même dressé, ultime et démesuré témoin debout de la merveille qu’il soutenait. À ses pieds, un vertige vous prend, et vous reculez, de peur qu’il ne vous écrase. Pour donner une idée du gigantisme : un homme tient enfoncé dans la cannelure des colonnes. Et les géants de 7 ou 8 m n’occupaient le mur plein (une particularité) qu’à mi-hauteur au mieux.

Retour au grand air, et nous repassons par la portion déambulée la veille. L’esprit des lieux, encore lui. Intact. (Notons que celui-ci est très inégalement réparti, puisque nous dormîmes dans la maison qu’occupa Goethe lors de son séjour agrigentais, et pourtant nulle part nous ne le perçûmes.)

Puis nous cherchâmes en vain le temple de Déméter, isolé au nord-est. Il doit vraiment souffrir de la concurrence, puisque les autorités du tourisme local n’ont visiblement pas jugé bon d’en dévoiler l’accès aux étrangers. Nous ne le trouvâmes jamais, mais tant pis : la campagne était belle, même sans lui.

S’ensuivit une soirée fort arrosée, à discuter d’abord avec un couple de Suédois habitués à parcourir la France et ses écluses, puis un couple d’Espagnols, de Galice, avec qui nous poursuivîmes jusqu’au seul bar du coin ouvert après 11 heures. Rencontres de voyage, comme je n’en avais pas fait depuis longtemps.