Mais diable ! Qu’est-ce qui nous pousse à scénariser ainsi nos vies autour de la perspective d’un mariage monogame, à l’encontre de l’ensemble de nos signaux biologiques ? Notre question se déplace.

Nous avons découvert plusieurs choses :

  1. l’Amour a été jugé nécessaire à un moment de l’histoire ;
  2. l’Amour est une idée culturelle convoyée par les romans à l’eau de rose, aidés en cela par Blanche neige et ses sept nains.

Cela ne nous dit pas pourquoi, comment, par quel miracle complaire à cette idée grotesque est devenu la chose du monde la mieux partagée[1] ?

Le plus troublant, comme la vérité, est ailleurs : notre cerveau, béni soit-il, a acquis au fil des âges l’extraordinaire faculté de déconstruire en partie son environnement social et culturel pour revenir vers les origines caverneuses de notre biologie, nous permettant, durant de brefs instants de lucidité, de percevoir tout cru le ridicule mis en œuvre par la société humaine au service de la défense de cette idée parfaitement contre-intuitive qu’est l’Amour ; malheureusement, et c’est ici que les bornes de l’absurde nous laissent deux bons kilomètres devant, notre cerveau déconstruira autant qu’il voudra mais jamais, ô grand jamais, comme l’attestent probablement des sources écrites tellement anciennes que j’en ignore jusqu’à l’existence, notre cerveau ne parviendra à nous extraire tout à fait de la farce sociale qui se joue autour de nous. Il butera en effet sur l’Amour comme la mouche sur la vitre, incapable d’en distinguer les contours, incapable même, la plupart du temps, de savoir qu’il existe. Notre cerveau, ce fumier, ne nous est d’aucune aide sur cette question.

Note

[1] Certaines sources divergent sur ce point. Par exemple Descartes, in Le Discours de la Méthode, affirme que la chose du monde la mieux partagée serait en réalité le bon sens, tandis que « complaire à l’idée de l’amour » n’arriverait que bon deuxième. Le lecteur jugera de lui-même.