Délirons. “Dieu est le seul être qui, pour régner, n’ait même pas besoin d’exister”[1]. J’irai plus loin (oui tiens, allons plus loin que Baudelaire). Dieu est l’être tautologique, c’est ainsi qu’Il se présente aux hébreux : “Je suis celui qui est”. Il est l’être dans l’être, la qualité d’exister. Dieu a contaminé l’être à l’origine. Ainsi, la preuve ontologique est finalement la meilleure, car elle met en lumière la tautologie : Dieu a toutes les qualités, exister est une qualité, donc Dieu existe[2]. En d’autres termes, Dieu existe par l’hypothèse qu’on a fait de son existence à l’origine. Il est l’idée qui s’impose par la force de son énonciation, par l’infinie puissance du langage. Il est le fils du Verbe. Il était alors aisé de prétendre qu’il est le Verbe lui-même (ou, plus exactement, que le fils du Verbe était à la fois Dieu lui-même et le fils de Dieu ; dès lors, confondre le fils avec le père revenait à confondre le Verbe avec Dieu). C’est néanmoins[3] une usurpation. Le verbe est d’ailleurs la menace la plus directe sur son règne, de son propre aveu. L’arbre de la connaissance d’abord ; Babel ensuite.

Il est fort, Dieu.

Notes

[1] Baudelaire, Fusées, Robert Laffont, “Bouquins”, p. 390.

[2] Ce n’est pas un hasard si cet argument fut porté entre tous par le plus logique des métaphysiciens.

[3] Et toujours cette question : D’où vient ce “néant-moins” ? Il sourd, même en anglais : never-the-less. Quelle drôle de conjonction, du néant et du moins que rien, adversative me dit la grammaire. Je la crois sans peine.