Il est paradoxal que j'aie envie d'écrire, puisque, à la vérité, je n'écris jamais. La fréquence d'édition de ce blog le prouve suffisamment. Pourtant, tous mes projets d'avenir, mes heures de gloire future, mes châteaux en Espagne (le Gers est déjà pris) voudraient que j'écrivasse. Hier encore, j'ai bien dû aligner trois mots et, croyez-moi, c'était tout à fait exceptionnel. Trois pitoyables mots (qui peut-être sont des phrases, je n'ai pas regardé de près, à cheval donné, etc. ; ce qui compte, c'est l'ordre de grandeur, et nous étions hier aux environs de rien), terriblement influencés par ma dernière lecture (presque paralysante à dire le vrai (cette dernière expression devrait indiquer suffisamment le nom de cette précieuse influence au lecteur vigilant) tant elle exige de correction ; mais elle est à tel point seule, dans ce domaine, et à tel point terrible, que toute tentative de la suivre dans cette exigence (louable, d'attention au sens et à la politesse de la langue dans laquelle se cache encore du sens) finit invariablement en plagiat : on ne peut que répercuter les structures qu'elle valide).

Devrais-je donc cesser d'entretenir cet incompréhensible fantasme qui voudrait que je devinsse, du jour au lendemain et sans avoir rien écrit qui méritât le nom de roman, un romancier ? J'y tiens, pourtant. Est-ce un problème de paresse ? J'aurais ça, en moi, mais la mollesse et la fatigue des jours m'empêcheraient de l'en sortir. C'est très peu probable, puisqu'il faudrait d'abord que j'aie le talent, les capacités, etc., ce qui constitue une hypothèse forte ; puis que la seule paresse m'en empêche, autre hypothèse forte, et pas peu. Pourtant, c'est bien vrai que la seule période de ma vie durant laquelle on pourrait considérer que j'aie écrit est également ma seule période de chômage. Je n'avais que ça à faire, donc. La paresse était surmontable, quelques heures par jour au moins, puisqu'elle trouvait le temps de s'exprimer à d'autres moments. Mais désormais, travaillant la semaine, ajoutant l'intendance diverse, les existences sociale et amoureuse et bien, évidemment, un fils à élever ne serait-ce qu'à mi-temps (et encore), me voilà bien trop pris pour m'occuper de réaliser mon rêve, la seule chose ou peu s'en faut qui me satisferait vraiment. Paresse ! pire, fainéantise caractérisée ! Du temps, il m'en reste, je le sais bien. Je l'occupe simplement à d'autres activités, toutes parfaitement futiles, je le sais bien aussi.

Paradoxe du paradoxe : pour me rapprocher de mon rêve (car je ne fais que cela, m'en rapprocher, ce qui m'en éloigne chaque jour), j'ai accepté des lectures pour un autre éditeur. Un pied dans une autre place. La stratégie est bonne, pour publier un roman. Pour ce qui est de l'écrire, elle est catastrophique : moins de temps, moins de lecture (de bonnes, s'entend) !