Cette situation est cognitivement fascinante, vous me l’accorderez sans peine. Je vous explique bien que vous ayez parfaitement compris déjà où je voulais en venir (j’en suis persuadé, je lis ça dans votre regard mutin). Il y a une analogie parfaite entre cette situation fantastique et la Quête du Savoir Absolue de l’Humanité (QSAH[1]) et, coup de bol, cette situation fantastique est à vue de pif vachement plus facile à analyser que la nôtre. Il n’y a pas 36 trucs à mesurer dans notre histoire. Enfin, une infinité de mesures sont possibles, mais toujours basées sur deux grandeurs qui nous intéressent : la valeur et le temps. Nous pouvons mesurer la valeur, 0 ou 1, à chaque tirage. Il suffit d’ailleurs de la lire. Puis, nous pouvons mesurer l’intervalle de temps qui sépare deux mesures : la vitesse de notre machine. Nous ne sommes pas obligés de nous arrêter là. Nous pouvons en effet mesurer l’accélération des mesures, c'est-à-dire les variations de vitesse de notre machine (et ainsi à l’infini : les variations des variations, etc.), mais aussi des hybrides, comme le produit de la valeur par la vitesse (si nous constatons par exemple que les 1 sortent plus lorsque la machine va vite, il peut être intéressant de regarder ce produit[2]). Mais nous sommes un peu fainéants, ou mieux : la machine est d’une telle régularité que, la vitesse ne variant jamais, nous ne la mesurons même pas. Seule compte nos valeurs, que nous lisons directement. Portée de l’analogie : une mesure n’est pas significativement différente d’une lecture pure et simple. Nous lisons le temps sur un chronomètre, nous lisons la longueur sur une règle. Ce qui est intéressant ici, c’est que nous lisons une valeur qui n’a pas d’unité (= de dimension). Or, la question qui se pose lorsqu’on considère une valeur sans unité est la suivante : que mesure-t-on ? Pi est une valeur sans unité, qui ne s’obtient pas par lecture directe, mais par une mise en rapport. Pi est le rapport de deux valeurs de même dimension (des longueurs : longueurs d’un rayon et d’un périmètre). Elle est donc elle-même sans dimension. Que mesurent donc nos 0 ? Que mesurent nos 1 ? Nous nous accorderons à dire qu’ils mesurent, en tout cas, la même chose. Il est toujours possible de s’en sortir en déclarant qu’ils mesurent des états d’un écran. L’état 0 et l’état 1. La notion d’état d’un écran n’est pas fondamentalement différente de la notion de distance : il suffit de considérer des traits de longueurs différentes à la place de nos 0 et de nos 1. Le caractère continu ou discret n’a peut-être pas d’importance (nous verrons cela plus loin). Bref. Il nous paraît possible d’établir une bijection entre ce que mesure notre machine (quoi que ce soit) et une dimension physique quelconque[3].

Notes

[1] Pour une discussion complète de la QSAH, voir « QSAH, tu accompagnes ma vie ».

[2] Un vieux matérialiste particulièrement malin préviendra alors que l’état d’écran 0 ne doit pas être traduit par « 0 », sans quoi, l’information sur le produit sera toujours perdue. Il faut lui donner une autre valeur (par exemple, 2) pour conserver l’information. Et nous nous rendrons compte que tout ceci est purement arbitraire, et que la valeur 0 n’a rien de sacrée. Peut-être le religieux protestera-t-il à ce moment-là.

[3] G, la constante de gravitation universelle, n’est pas une valeur sans dimension. Elle est égale à une force (elle-même grandeur composée d’une masse et d’une accélération (elle-même grandeur composée d’une longueur par un temps par un temps)) multipliée par une longueur multipliée par une longueur (c'est-à-dire multipliée par une surface), divisée par une masse divisée par une masse (qu’on met donc en rapport avec un produit de masse) Ce qui revient à une longueur au cube divisée par un temps par un temps par une masse. En SI (qui est rudement pratique pour aider notre lecture (et donc découvrir ce que nous lisons quand nous lisons G)) : m<sup>3</sup>&middotkg<sup>–1</sup>&middots<sup>–2</sup>. C’est l’accélération d’un volume par une masse (la vitesse de la vitesse à laquelle s’accroît un volume en rapport à une masse). Ça vous parle ?