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L'Empereur d'ici-bas

La journée du jeudi, promise pour être très automobile, fut finalement plutôt réussie sur le plan touristique. La villa romana di Casale, d’abord, au sud de Piazza Armerina, mérite en tout point la reconnaissance que le monde entier lui accorde à l’unanimité (c’est l’endroit le plus visité de la Sicile). Une villa : c’est peu dire. Un palais romain, une demeure d’empereur (de l’un des membres d’une tétrarchie, si vous voulez être précis). Et cet homme, Maximien, pense-t-on, régnait sur l’Occident depuis « le nombril de la Sicile ». On imagine sans mal le respect que les lieux imposaient alors, grâce à la présence de mosaïques sur chaque mètre carré de sol. Or, la belle en compte tout de même 3 500. On savait vivre à cette époque ! (Et, comme je m’étais déjà fait la réflexion face au Jove Olimpio : l’architecture monumentale a beaucoup perdu avec la disparition de l’esclavagisme.)

Ombre au tableau : un car d’Allemands nous renouvela la preuve que le tourisme de masse, que nous alimentons à notre petite mesure, est bien la plaie du monde. Qu’on participe seul à un voyage organisé, je veux bien le concevoir. Il s‘agit avant tout de rencontrer des gens, et tant pis si l’aspect culturel des choses est durement négligé. Toute poésie est abdiquée sur l’autel d’Eros. (Et Apollon vaincu.) Je le comprends. Mais en couple ? Pourquoi ? Comment ?

Nous prîmes le temps ensuite de passer par Enna, qui vaut surtout pour son site, perchée sur la falaise, l’Etna en toile de fond très loin à l’est, et la Sicile toute autour. Un château vénérable orne son pic, possession successive des Byzantins, des Arabes, des Normands et des Souabes. Les fouilles archéologiques y sont laissées en plan, faute de financement, imagine-t-on, et la plupart de ses mystères sont encore enfouis (cette hypogée, par exemple ? Qui ? Pourquoi ?). Pourtant, la Sicile s’enrichit à vue d’œil. Les autoroutes y poussent comme les oranges et les pistaches. Les chaussées sont déplorables, mais le réseau est désormais très au point, ce qui est bien loin du souvenir que j’en avais ramené.

L’arrivée à Taormina fut grandiose et, sur ce point, ma mémoire était vaillante. C’est un endroit extraordinaire, et nous ne regrettons pas d’avoir accordé à la ville une étape de luxe, quatre étoiles à la clef, et vue sur mer. Par rapport à tout le reste, Taormina est pimpante, presque européenne (pardon, cher Siciliens, mais avouez quand même que…), tout en conservant un peu du charme baroque de l’île, ou tout au moins ses rues à pic plongeant dans les flots, ses escaliers sans fin, ses plans illisibles. Maupassant ou Goethe n’auraient peut-être pas goûté les améliorations que le vingtième siècle lui a apportées, mais nous nous en accommodons sans trop de mal. Nous nous promènerons davantage demain, la journée consacrée à A’ Muntagna[1]: le maître, le cyclope, le géant de la Sicile. L’Etna.

Note

[1] Et non pas A’ Run Tazieff, comme on aurait pu le croire.

Atlantide

Le lendemain fut tout entier consacré à la vallée des temples, encore elle, à commencer par le temple des Dioscures, un angle mal remonté, puis le sanctuaire des divinités chtoniennes, ras et difficile à lire malgré son nom très prometteur, enfin, et surtout, surtout le temple de Zeus Olympien, dont l’ampleur des ruines parvient, par le truchement de cette merveille d’organe qui a eu le bon goût de se placer entre nos deux oreilles, à nous écraser de sa grandeur et resplendir encore quand plus une seule de ses pierres monumentales n’est dressée : les majestueux télamons sont tombés au sol depuis le matin des temps.

Quatre de ces atlantes affichent leurs beaux visages sereins au musée archéologique, et l’un d’eux y est même dressé, ultime et démesuré témoin debout de la merveille qu’il soutenait. À ses pieds, un vertige vous prend, et vous reculez, de peur qu’il ne vous écrase. Pour donner une idée du gigantisme : un homme tient enfoncé dans la cannelure des colonnes. Et les géants de 7 ou 8 m n’occupaient le mur plein (une particularité) qu’à mi-hauteur au mieux.

Retour au grand air, et nous repassons par la portion déambulée la veille. L’esprit des lieux, encore lui. Intact. (Notons que celui-ci est très inégalement réparti, puisque nous dormîmes dans la maison qu’occupa Goethe lors de son séjour agrigentais, et pourtant nulle part nous ne le perçûmes.)

Puis nous cherchâmes en vain le temple de Déméter, isolé au nord-est. Il doit vraiment souffrir de la concurrence, puisque les autorités du tourisme local n’ont visiblement pas jugé bon d’en dévoiler l’accès aux étrangers. Nous ne le trouvâmes jamais, mais tant pis : la campagne était belle, même sans lui.

S’ensuivit une soirée fort arrosée, à discuter d’abord avec un couple de Suédois habitués à parcourir la France et ses écluses, puis un couple d’Espagnols, de Galice, avec qui nous poursuivîmes jusqu’au seul bar du coin ouvert après 11 heures. Rencontres de voyage, comme je n’en avais pas fait depuis longtemps.

La concordance des temps

Petit détour sur la route d’Agrigente par Caltagirone et ses céramiques, son escalier surtout, la scalinata de Santia Lucia del Monte, improbable verticale brisée au milieu d’une petite ville paisible de province. Puis traversée de Gela en voiture, sorte de ville nouvelle inachevée, à demi construite, puis laissée à l’abandon, mélange de briques et de parpaings parfois habités. Et enfin, l’arrivée par la vallée des temples.

Timing parfait : nous saisîmes le temple d’Héra sous un beau soleil rasant de toute fin d’après-midi, avant d’errer mollement au milieu de ses ruines somptueuses perchées sur leur éperon dominant la mer. Plus loin, le temple de la Concorde, moins bien préservé que dans mon souvenir (j’étais persuadé qu’il avait encore son toit, mais peut-être confonds-je ?). Il a tout de même très grande allure, avec ses arcades intérieures percées par les chrétiens qui s’en firent une basilique (et ils firent bien : c’est grâce à eux que son état de conservation demeure plus que satisfaisant, l’un des meilleurs, paraît-il). L’ordre dorique : force tranquille vouée à traverser les âges. Ces temples nous auront sagement attendus pendant 2500 ans, 1000 ans de plus que les quelques oliviers millénaires et contournés qu’on croise entre leurs colonnes mousseuses. Bien sûr, on ne peut y accéder véritablement, et un peu de la poésie des lieux s’en trouve forclose. On regrette de ne pouvoir sentir leurs sols sous la semelle, de n’être pas passé sous leur fronton, comme on peut s’enivrer de l’esprit des sites néolithiques de Malte, pourtant leurs aînés de 4000 ans (mais il est vrai que l’architecture du Ggantija de Gozo est moins subtile, et risque moins de souffrir du passage des hordes d’amateurs de cartes postales[1]).

Le millier d’années : l’échelle des temps. De quoi sentir la hauteur des barreaux. Un aperçu, non de l’épaisseur des siècles certes (car ils sont bien mités), mais de l’existence des millénaires, de leur réalité présente, du chemin enjambé.

Bien que les entrées de la vallée ferment à sept heures, nous eûmes le temps de pousser jusqu’au temple d’Hercule, aux belles cannelures. La plupart de ses colonnes ont dévalé la pente. Toujours sans nouvelle des gardiens, nous divergeâmes à travers la nécropole paléochrétienne et ses tombes creusées dans la roche, à ciel ouvert. L’hypogée est malheureusement inaccessible. De peur de nous voir intimer l’ordre de déguerpir, nous n’avons pas voulu traverser la route qui mène à la deuxième partie, réservée au lendemain, afin de flâner encore un peu, seuls au monde, dans l’aube des temps.

Notre chance ne s’interrompit par pour le dîner : sur la piazza Cavour, la Posata di Federico II[2] déroula pour nous ses délices. Je vous recommande chaudement les artichauts fourrés (et Casanova se joint à moi, si j’en crois leur carte).

Notes

[1] Qui, comme chacun sait, ne se rendent sur ce genre de site que pour constater qu’elles leur sont bien fidèles.

[2] Les Souabes montraient pour la première fois le bout de leur nez.

Au rang maltais

Le lendemain, sur la route, jusqu’à Raguse, d’une beauté surprenante et authentique. Un baroque habité, qui ne trouve un aspect carton pâte que sur son deuxième versant, Ragusa Ibla, plus franchement touristique. Ce qui a des avantages : on y trouve des commerces ouverts, et même des gens, entre midi et quatre heures. En Sicile, la sieste n’a rien d’un mythe et, après deux jours de recherches anthropologiques poussées, nous pouvons affirmer que les Siciliens sont, en gros, des Espagnols qui se couchent tôt. Le duomo San Giorgio, sur Ilba, est bien plus beau de loin que de près : depuis la colline de Ragusa, derrière un petit couvercle en céramique bleue appartenant à la mignonne Chiesa di Santa Maria dell’Itria, on aperçoit sa coupole écrasée par le plein volume d’un bâtiment monumental et pourtant non identifié à ce jour (par moi, j’entends), aux lointaines allures de palais florentin, et c’est assez émouvant. De près (et de face, puisque le duomo tourne le dos à Ragusa), on ne peut le voir qu’en contre-plongée (sa piazza, très pentue, descend rapidement) et cela nuit à ses proportions, qui en deviennent un peu vulgaires, vaguement phalliques.

Souvenir ému, lui aussi, des trois figures grotesques qui ornent la façade d’un palais du corso Italia, juste au-dessus de la Poste. Enchâssées dans des caisses de bois grillagées devant, pour les sauvegarder des pigeons imagine-t-on, elles sont encore plus vraies (et plus photogéniques) : elles sortent du mur comme des suppliciés sur l’échafaud, pétrifiées là pour l’éternité. Plus bas, devant l’hôtel de ville, un vieux Sicilien charmant désireux de nous apprendre plus sur sa ville pousse notre italien dans ses derniers retranchements, et c’est ainsi que E. confondit les neuf provinces de la Sicile avec douze patrons de Ragusa, connus d’elle seule (mais la migraine commençait à pointer). Il y eut aussi cette petite esplanade devant une église anonyme, pétrie de silence, face au vide.

Après cela, détour par Noto, qui étalait sa pierre rose sous une lumière envieuse, vers les six heures où nous la trouvions. Agréable promenade, en long et en large mais surtout en long, sur le corso Vittorio Emmanuele (it’s where the action’s at) et la via Nicolacci au sommet de laquelle trône l’étonnante concavité de la Chiesa San Carlo Borromeo, puis retour à Syracuse pour un dîner de fruits de mer sur le port. Squids only tour : j’ai jusque ici réussi à manger des céphalopodes à tous les repas. Celui-ci, ordinairement arrosé tout du long, a vu sa fin saluée par de véritables cataractes. Nous sommes rentrés trempés. Mais contents.

La Sicile est baroque, donc, résolument, à la manière de Malte, en plus civilisé peut-être : après tout, Malte a bien conservé des hypogées néolithiques, mais la Sicile la devance de deux ou trois mille ans en vantant surtout ses Grecs. Mais elle est plus arrondie encore que sa petite voisine ; toute en ventre, en globulance[1].Les balcons gonflent, les ferronneries s’affaissent et les façades s’incurvent comme elles aussi saisies de fatigue, écrasées de chaleur.

Un point commun avec Rome : le Moyen Âge a disparu. On passe de la rigueur dorique aux angelots, sans transition, ou presque : le portail au fort joli tympan de la Chiesa San Giorgio Vecchio, saint Georges et son dragon, fut le seul signe ostentatoire de présence médiévale que nous croisâmes. De cette église, c’est d’ailleurs tout ce qu’il reste.

Note

[1] Un Apollon en imitation pierre de lave à qui me trouve le substantif.

Déplacement

Le premier jour d’un voyage est toujours surréaliste. Non pas que l’étrangeté nous prenne à la gorge, ou que nous suffoquions sous l’exotisme, mais à l’inverse et tout au contraire : Nous n’y sommes pas. Nous sommes ailleurs. Restés sur place, en partie, et en partie partis ; encore dans les airs, les limbes, au beau milieu de nulle part. Il faut bien avouer que de se lever un frais matin d’hiver à Paris pour monter dans le RER B afin de se retrouver, une poignée d’heures plus tard, au volant d’une Fiat 500 sur la route reliant Catane à Syracuse, n’a rien de très naturel : rien de réaliste. Aussi notre cerveau, qui aime le naturel, et le réalisme plus encore, nous refuse-t-il la pleine conscience de ce que nous vivons dans ces premiers instants de déplacement.

Il faut se répéter : oui, je suis bel et bien en Sicile, là, ici.

Premier jour, donc : valises posées à la Villa Politi, au nord de Néapolis, puis déambulage dans Ortygie, petite île à la pointe, tout juste reliée par deux ponts, et site historique de la première colonisation (la deuxième, en fait : les premiers Grecs venus de Naxos s’installèrent et fondèrent, dans un grand moment d’originalité collective, la ville de Naxos, aujourd’hui Naxos-Giardini). Dédale. Ruelles. Odeurs de mer. Primi piatti. Un bâtiment sur deux menace ruine, mais le charme est là. Et puis le duomo, la cathédrale gigogne, qui cache un temple d’Athéna en son sein (du moins ses émouvantes colonnes doriques, tellement fortes, tellement rondes et puissantes qu’elles traversèrent les siècles et l’évangélisation, pour nous parvenir, affaiblies, tordues, mangées, séniles même, mais bel et bien sous nos doigts).

Au retour, nous traversons un match de football improvisé sur la place Santa Lucia, martyre locale. Première vision de Siciliens “normaux”, tels qu’on les imagine. Ils sont là, dans Néapolis. À côté des Pakistanais en pleine partie de cricket.

Sauf à quitter votre canapé

Le problème, quand on déforme la langue, c’est qu’on la déforme pour tout le monde.

Ainsi, il n’est plus désormais possible d’utiliser “sauf à”, puisqu’une grosse portion des locuteurs l’emploie dans le sens “à moins de”, alors qu’elle signifie encore, pour une petite partie plus informée, “quitte à, au risque de”.

“Passons par le bois, sauf à faire un détour” : les trois-quarts comprendront que passer par le bois est un raccourci qui évite le détour. Or, c’est précisément l’inverse : le bois est un détour potentiel. Or, si je lis cette expression, ou si je l’entends, le contexte ne sera pas toujours suffisant pour que je sache lequel des deux sens l’auteur voulait convoyer. Souvent, il me faudra remonter au métacontexte pour le déterminer : qui parle, et d’où ? Il faut savoir si l’auteur est au courant du sens original, ou s’il fait partie des déformateurs malgré eux. Sous la plume de Balzac, je n’ai pas de doute. Sous la plume d’un journaliste lambda, non plus. Mais bien des cas sont plus flous.

Et cela peut se compliquer. Un légitimiste repenti pourrait vouloir adopter le nouveau sens, ou tout du moins admettre qu’il est dorénavant le seul en vigueur. Après tout, c’est comme ça que la plupart le comprendra, alors, pourquoi résister ? Mais il y a ces autres, ces purs, qui le lui reprocheront, et cet aiguillon sera certainement suffisant pour qu’il ne veuille pas tenter le coup. Alors que, bon sang ! il sait ! C’est un “sauf à” au troisième degré ! Mais peu importe, il est sage, et adoptera donc la seule position possible : rayer tout simplement cette locution de son vocabulaire, et ne plus l’employer jamais.

Mais, s’il est courageux, le revendicateur prendra le risque d’être mal compris par la majorité. Il l’emploiera, sauf à créer l’ambiguïté. C’est presque de sa part une volonté de tri, un écrémage. Un “Nathanaël, jette mon livre”, en quelque sorte, moins hypocrite peut-être (Gide voulait qu’on le lise, après tout). Mais il y a toujours moyen de la contourner, cette pauvre locution. On ne peut plus donc l’employer en toute innocence : c’est à chaque fois tenir une position, et ainsi dire plus qu’on ne le voulait peut-être.

Les déformateurs n’ont pas gagné pour autant, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas éradiqué l’ancien sens de “sauf à”. Il y aura toujours de vieux livres pour nous le rappeler. Mais ils en empêchent toute utilisation future, de notre part à nous, pauvres informés.

Libertinage

Ce qu’il y a de dur, dans le roman, c’est la liberté. Le choix. Choisir quoi dire, et quand. Et puis pourquoi, d’abord ? Ça, plutôt qu’autre chose. Pourquoi ?

La fiction est suspendue. La fiction est vertigineuse. À chaque mot. La plus infime des fictions. Le plus humble des romans. Mais lui, au moins, ne tombera pas de bien haut. Il n’empêche. Pourquoi ça, plutôt qu’autre chose[1]?

Car dans le roman, tout pourrait être dit. Pourtant rien, absolument rien n’est nécessaire[2]. Le roman : combien de contingent ? Tout.

Enfin, presque. Parfois, la fiction dévale, et emmène l’auteur avec elle. Parfois, la fiction impose sa nécessité, par la vertu de son organisation, des règles que l’auteur a déjà imposées[3].

Mais même alors, même dans ce cas, après le choix des règles, l’auteur a encore le choix. Le loisir de laisser parler la fiction, ou non[4].

Il ne sert à rien de constater qu’il en est de même pour tous les arts, et même pour tous les gestes et presque toute la vie. Le vertige demeure. Là, plutôt qu’ailleurs.

La musique nous parvient. Nous n’avons guère le choix.

La vie aussi a cette curieuse façon d’imposer sa nécessité. Elle y réussit toujours. La liberté de l’auteur, dans la vie, est très ponctuelle. Comme en musique le musicien : le meilleur n’en est que le véhicule.

La musique s’impose à lui. Le roman, nettement moins. La vie, n’en parlons plus.[5]

Notes

[1] C’est là que les très saintes notes de bas de page interviennent. C’est là le génie des Vaisseaux brûlés (dont l’accès en ligne n’est plus gratuit les amis, tant pis pour vous si vous les avez ratés (Et quand je vous disais que les notes de bas de page sont saintes : regardez comme c’est pénible les parenthèses emboîtées)) : quelques menus paragraphes, et des notes de bas de page, des notes sur les notes, elles-mêmes annotées, ainsi à l’infini (moins un). Grâce aux notes, l’auteur est enfin capable de tout dire.

[2] Et dans le roman, les notes sont interdites, pour ne rien arranger.

[3] Et il est tout à fait probable que plus la fiction entraîne, meilleur sera le roman.

[4] Car la fiction peut se planter. Souvent, quand la fiction s’emballe, c’est qu’elle a rencontré une autre fiction de sa connaissance. Et même parfois une meute, et rien n’entraîne plus sûrement. Pourtant rien n’est plus mauvais. Le cas des bons romans est différent : c’est la vie qu’ils ont imitée.

[5] Le double-sens morbide n’est là que pour faire joli, hein. D’ailleurs, pour bien faire, la logique du texte aurait voulu que la vie s’intercale, et que le roman achève la phrase. Mais je vendrais père, mère et logique formelle pour une jolie chute, que voulez-vous. Et d’ailleurs je fais ce que je veux.

Amours hasardeuses

De nos jours les spammeurs ne s’embêtent plus à rédiger leurs messages : ils délèguent cette lourde tâche à un algorithme. C’est ce qu’il leur permet de spammer, c’est-à-dire d’inonder la toile de leur prose automatique. Aussi ne résistè-je pas à l’envie de copier ici, à fin d’affichage autant que d’archivage, ce commentaire brut que l’un d’eux me laissa ce matin et dans lequel la machine elle-même ne sut choisir ses mots. Plutôt qu’un hoquet mécanique, je préfère déceler là le vertige métaphysique qui l’a saisie lorsqu’elle eut la vision soudaine des infinies possibilités du langage :

{Hello|Hi} there, {simply|just} {turned into|became|was|become|changed into} {aware of|alert to} your {blog|weblog} {thru|through|via} Google, {and found|and located} that {it is|it’s} {really|truly} informative. {I’m|I am} {gonna|going to} {watch out|be careful} for brussels. {I will|I’ll} {appreciate|be grateful} {if you|should you|when you|in the event you|in case you|for those who|if you happen to} {continue|proceed} this {in future}. {A lot of|Lots of|Many|Numerous} {other folks|folks|other people|people} {will be|shall be|might be|will probably be|can be|will likely be} benefited {from your|out of your} writing. Cheers!

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